Nez, la revue olfactive – #20- Raconter le parfum

« Nous sommes – jusqu’à preuve du contraire – la seule espèce sur Terre à pouvoir nous raconter des histoires. Nous inventons, nous transmettons des pensées, des faits et gestes qui n’existent que dans notre cerveau, puis notre parole, ou nos écrits. La plupart du temps, nous y croyons, et nous parvenons même à convaincre les autres. Mais nous pouvons aussi parfois décider de changer ces récits, de les questionner et de les transformer.

Notre odorat, prévu à l’origine pour nous informer de situations urgentes, si ce n’est vitales (feu, nourriture, prédateur…), s’est perfectionné au fil du temps, devenant capable de stimuler notre imagination, notre mémoire, et de nous offrir une réalité augmentée de mille souvenirs, représentations, paysages, émotions…

Mais ce sens, privé d’éducation, donc de vocabulaire, nous joue parfois des tours. Ainsi les discours que nous proposent la plupart des parfums sont-ils essentiellement projetés par ceux qui les vendent, sans nous laisser l’espace de nous constituer un récit intime, lié à nos ressentis personnels.
Par un apprentissage patient et régulier, dont nous sommes tous capables, les odeurs peuvent pourtant s’inviter peu à peu dans notre esprit, et y faire naître nos propres images, personnages, mots, poèmes, scripts ou rebondissements.

Alors, la prochaine fois qu’on vous parle de « l’expression d’une femme libre et audacieuse », de « savant mélange d’élégance et d’énergie », ou d’une eau de parfum intense qui « encapsule l’esprit des hommes d’action », faites demi-tour, et allez plutôt mettre votre nez sur de « vrais » parfums, ceux qui racontent des histoires… qui n’appartiennent qu’à vous. »